RENTRÉE LITTÉRAIRE A LA PARLOTTE
AUSSILLON VILLAGE
MARDI 11 SEPTEMBRE 2018
Un nouveau lieu très clair et convivial pour le Mille feuilles de rentrée de JMLIRE.
Voici les lectures de l’été des participants :
La falaise des fous de Patrick GRAINVILLE, roman foisonnant où, peintres impressionnistes, écrivains des 19 et 20 siècles mêlent leur histoire à l’Histoire. Ce roman a déjà été présenté mais chaque lecteur en a son approche personnelle, à vous de vous faire votre avis.
Un cœur simple de Gustave FLAUBERT, un grand classique à lire ou relire.
L’effroi de François GARDE, l’histoire d’un musicien confronté à la politique des extrêmes…une analyse psychologique très poussée.
Magellan de Stephan ZWEIG, un roman historique très documenté servi par le talent de l’auteur.
Pêcheurs d’Islande de Pierre LOTI, un classique toujours agréable à lire ou relire.
L’infinie patience des oiseaux, ce roman écrit il y a 40 ans par un auteur australien est une découverte grâce à sa traduction en français. Lisez le pour y découvrir les deux faces du genre humain.. .dépaysement garanti.
Paris 2005 de Vincent CALLEBAUD et Caroline ANDRIEU-MILLAGON. Un ouvrage d’art qui révèle les prouesses d’un architecte belge en quête d’un futur écologique pour les grandes métropoles et leurs habitants de toutes conditions.
Bitna sous le ciel de Séoul de LE CLEZIO, histoires vraies et imaginaires se mêlent dans ce roman qui nous entraîne en Corée. Ces contes aident les héroïnes à supporter la réalité.
Comme tous les après midis de Zoya PIRZAD, l’auteur iranienne nous fait entrer par petites touches dans l’univers quotidien des femmes de tout âge de son pays. Des prodiges minuscules à savourer.
Pour finir une palette d’écrivains voyageurs pour prolonger les vacances : Sylvain TESSON (Dans les forêts de Sibérie), Nicolas BOUVIER (Le bon usage du monde), Ella Maillard (Les sables rouges), Jacques KEROUAC (Les anges vagabonds), A. YOUNG (Voyage en France vers 1850), Gilles LAPOUGE (L’encre du voyageur), JP PERRIN (Nouvelles du bout du monde), Michel LEBRIS (La beauté du monde)….
Texte de Fred Vargas :
"Je dédie ce post à mes enfants et à tous les enfants de la terre
Puissent-ils avoir la clairvoyance et le courage que nous n'avons pas eus (et je ne leur demande pas de nous pardonner).
Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité, nous y sommes.
Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d'insouciance.
Nous avons chanté, dansé.
Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste était à la peine.
Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.
Franchement on s'est marrés.
Franchement on a bien profité.
Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.
Certes.
Mais nous y sommes.
A la Troisième Révolution.
Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu'on ne l'a pas choisie.
« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.
Oui.
On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis.
C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.
La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.
De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.
Son ultimatum est clair et sans pitié :
Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu portées sur la danse).
Sauvez-moi, ou crevez avec moi.
Évidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix, on s'exécute illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et honteux.
D'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser encore avec la croissance.
Peine perdue.
Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais.
Nettoyer le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, (attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille) récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n'en a plus, on a tout pris dans les mines, on s'est quand même bien marrés).
S'efforcer. Réfléchir, même.
Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.
Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.
Pas d'échappatoire, allons-y.
Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l'ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.
Qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas incompatible.
A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l'homme, sa plus aboutie peut être.
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore."
Fred Vargas
Archéologue et écrivaine