Mais n’en citer un, c’est en oublier mille,
Et pourquoi Ken Folett plutôt qu’Herman Melville,
Jean Giono, Gougaud, versus Victor Hugo,
Malraux, Ionesco contre Christine Angot ?
Si je cite Jules Renard, j’omets Ajar, Ronsard et Cortazar,
Je heurterai Balzac en y plaçant Pennac.
Plutôt Aymé, Jean Genêt que Madame d’Epernay ?
Tesson s’en tirerait mieux que Cicéron ?
London, Anacréon moins bien que Jean D’Ormesson ?
Oublier Sévigné sans s’en indigner ?
Pauvre Corneille, qui ne sait Houllebecq.
Je cite Chateaubriand pour avoir l’air brillant,
Je choisis Madame de Staël aussitôt qu’on s’installe,
Je nomme illico le bel Arthur Rimbaud,
J’avale Gavalda comme une pastille Valda,
Pour vous mettre en colère je cite Philippe Sollers
Je préfère Genevoix à d’autres jeunes voix,
Mais en faisant ce terrible décompte,
Aussitôt j’en rougirai de honte.
Mes amis, je fuis la sélection qui omet Fénelon,
Qui inscrirait en faux le bon Jean-Jacques Rousseau,
Trouve Voltaire austère et préfère Paul Auster.
Je dénonce aussitôt une manœuvre vile
Qui se propose rien de moins que d’enterrer Virgile
qui élit Laclavetine contre Céline ou Lamartine.
Je refuse un tirage au sort
qui nie Butor, les Chants de Maldoror.
Ma littérature est universelle,
Et sans complexe aucun j’y trempe ma cervelle.
Et lorsque le sommeil vient et que j’éteins la lampe,
Les anciens et les modernes,
Écrivains de génie ou auteurs subalternes,
Tous viendront sans repos ni sans trêve
De leurs mots choisis ensemencer mes rêves.